Voilà une réflexion qu’on entend souvent, et qui est, soyons honnêtes, rarement bienveillante ; c’est plutôt une question ironique qui sous-entend que la personne ne semble pas avoir le dessus sur son chien … et qui traduit la vision « hiérarchique » obligée (selon l’inconscient collectif en tout cas), de toute relation entre une personne et son chien.
Dans notre famille, les chiens sont des « maîtres » … mais pas parce qu’ils « dirigent » ou « dominent » ! Ce n’est d’ailleurs pas non plus notre rôle, à Manu et moi, les deux humains de la maisonnée.
Notre rôle, c’est de les accompagner, de leur procurer un cadre bienveillant, clair et cohérent (fait entre autres, de limites, si si) qui leur permet de s’épanouir, selon qui ils sont ; chacun – chien ou humain - a des besoins, des envies, des qualités et des défauts qui lui sont propres. C’est aussi cet encadrement qui permet à chaque membre de notre famille de trouver sa place par rapport aux autres ; même si cela demande parfois des ajustements.
Nos chiens sont des « maîtres » parce qu’ils sont des « enseignants », parce qu’ils ont tellement de choses à nous apprendre ! Avec chacun, nous sommes confrontés à des défis, des situations quotidiennes qui posent question, qui nous prennent de cours, que nous n’avions pas prévues. Chaque « défi » est une occasion d’essayer de comprendre ce qui se passe, puis de chercher comment aider le loulou concerné, pour gérer la situation avec le plus de justesse possible. Ainsi, l’harmonie familiale est préservée elle aussi.
Autant vous dire qu’avec 6 chiens, ce n’est pas la matière qui manque ! Entre les 2 « bébés-bêtises » et Shaddaï, qui a 13 ans, il y a 3 adultes dont les besoins changent avec le temps qui passe. Souvent, je me surprends à penser « ah ça y est, là je crois qu’on a trouvé » … et ça change encore, et il faut, une fois de plus, revoir notre copie. C’est un processus infini… si on accepte la remise en question constante, que nos chiens nous proposent.
Pour moi, c’est ce qui est passionnant, c’est d’accompagner chaque loulou selon son évolution personnelle, et selon la mienne ! Alors oui, dans une telle dynamique, souvent, les « maîtres » ce sont eux ! Parce qu’ils nous poussent à développer nos antennes, à mieux sentir, à faire travailler notre imagination, à constamment construire la confiance mutuelle, etc.
Nos deux petits lutins sont experts pour nous apprendre (entre autres !) la patience, le détachement, la flexibilité.
« Avoir envie de grandir avec/grâce à son chien », c’est un beau concept. Mais ce n’est pas quand tout va bien et que tout roule, qu’on apprend ou qu’on évolue (bien sûr, ces phases-là sont appréciables et permettent de souffler un peu !). Ce qui nous fait avancer, même à notre corps défendant, ce sont les questions, les problèmes, etc. Alors forcément, il en faut, si on veut évoluer… 😉
Nos chiens sont des enseignants précieux, entre autres à travers le feedback qu’ils nous renvoient de notre « humeur du moment » ou de notre tendance à être constamment projeté dans un avenir qui n’existe pas encore, au lieu de simplement être là…
- Shaddaï, 13 ans, me guide avec beaucoup de tendresse sur le chemin de sa vieillesse, de sa lenteur, de sa santé qui vacille et des inquiétudes que cela suscite. Elle tombe et se relève, trébuche et continue sa route, comme si de rien n’était, toujours profondément animée par une volonté évidente de savourer sa vie. Elle observe les jeunes qui s’agitent autour d’elle et souvent, participe selon ses possibilités. Elle m’apprend à accompagner en douceur, sans pression, sans attente et à m’adapter sans cesse à des changements quotidiens. A lâcher prise… et à savourer pleinement sa douce présence, tant que je le peux.
- Zou a 10 ans, elle est en pleine forme. Son dynamisme est maintenant associé à une douce sagesse qui transparaît si fort dans son regard. Quand son regard accroche le mien, c’est toujours pour me rappeler de revenir à « maintenant », de retrouver ma sérénité si je perds pied. A côté de cela, sa joie de vivre est une perpétuelle invitation à la gratitude…
- Bliss, 7 ans, est un « clown sensible ». C’est comme si une partie d’elle était restée « enfant » : elle exprime tout ce qui la traverse, sans aucun filtre. Sa grande sensibilité nous a ouvert les yeux sur une façon d’accompagner beaucoup plus ouverte, plus à l’écoute ; elle nous pousse à développer nos antennes pour percevoir sa communication avec plus de finesse. Parfois, elle « pète un plomb » … nous apprenons à rester justes et centrés pour l’aider à s’apaiser.
- Keziah, 4.5 ans, est souvent débordante d’énergie, heureusement elle sait aussi se poser. Elle m’apprend à trouver le bon équilibre entre repos et activité, entre moments câlins et jeux. Ni trop, ni trop peu… une recherche de justesse, qu’elle exprime alors par un comportement paisible et réceptif. Parfois, elle déborde… et j’apprends à l’apaiser, la canaliser, l’encadrer, sans me laisser énerver par son énervement.
- Youri, 4.5 mois, est un solide gaillard avec un cœur énorme, et une grande sensibilité. Sa priorité dans la vie : les câlins ! Du coup, il peut se montrer envahissant. Avec lui, le travail consiste à combler son besoin d’attention, sans le laisser déborder sur mon besoin d’avoir la paix. Sa sensibilité est une invitation à la patience… à l’accompagner à son rythme, même quand cela ne cadre pas avec ce que nous avions prévu.
- Sukha, 4.5 mois, est une louloute à la fois indépendante et attachante, qui a besoin d’être guidée avec douceur et clarté. Avec elle, j’apprends chaque jour à rester calme et centrée … à la moindre trace de nervosité ou de pression chez moi, elle va vivre sa vie… et me laisse me débrouiller avec ma frustration 😉.
Notre famille est loin d’être parfaite, nos chiens n’obéissent pas au doigt et à l’œil.
Des difficultés, nous en rencontrons beaucoup, souvent.
Ce qui compte, c’est de les utiliser pour grandir… ensemble. Chaque défi est une occasion, même si en toute honnêteté, nous ne le voyons pas toujours sous cet angle quand nous sommes « dedans ». Souvent, un peu de recul aide 😉.
Si je suis persuadée que nos chiens arrivent dans nos vies parce qu’ils ont des choses à nous apprendre, il est évident que cette dynamique fonctionne aussi dans l’autre sens : nous avons aussi beaucoup à leur enseigner, et je ne parle pas « assis-debout-couché ». Près de nous, ils apprennent aussi à prendre confiance, à gérer leurs émotions et leur dynamisme, à construire leur autonomie, etc. Ils ont aussi leur propre chemin d’évolution à parcourir.
Nous nous choisissons donc mutuellement, pour apprendre les uns des autres ; c’est ce qui nous permet d’évoluer ensemble, grâce aux défis qui se présentent à nous à travers chaque relation.
Nous ne sommes pas « maîtres les uns des autres », mais bien « maîtres les uns pour les autres ».
Pour moi, cette vision de la relation vient englober les autres aspects plus terre-à-terre ou pratiques, comme le besoin de nos amis canins d’être encadrés avec clarté, cohérence et bienveillance, d’être nourris d’une façon qui respecte leur nature, d’avoir l’exercice physique qui leur est nécessaire, etc. Il ne s’agit pas d’un « vision bisounours », mais d’une porte ouverte vers une autre profondeur dans la relation…
Que seraient les relations « personne-chien » si nous nous laissions davantage toucher par cette possibilité d’enseignement mutuel ?
Nos liens seraient plus riches encore… peut-être pourrions-nous lâcher la volonté de contrôle ?
Et pour vous ?
En quoi votre chien est-il un maître dans votre vie, que vous enseigne-t-il ?
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