Récemment, une ancienne élève de mon école des chiots me contacte par rapport à l’arrivée prochaine d’un nouveau chiot dans sa famille. Comme elle sait que j’ai fermé mon école, elle me demandait mon point de vue sur la façon de fonctionner avec la petite chienne qui arrivera bientôt.
S’en est suivi un chouette échange qui m’a donné l’idée de cet article.
C’est évidemment une très bonne chose que les personnes qui accueillent un chiot souhaitent aborder son éducation de la façon la plus positive possible. Un long chemin a heureusement été parcouru dans le domaine, depuis l’utilisation généralisée des méthodes plus musclées et coercitives !
J’ai créé une école des chiots à Limal au sein de laquelle j’ai donné cours pendant environ 15 ans, jusqu’au Covid. A l’époque, j’associais en toute sincérité l’utilisation du concept du renforcement positif à la construction d’un lien harmonieux avec son chien.
Mon chemin avec les chiens n’a jamais cessé d’évoluer depuis maintenant presque 40 ans (je suis tombée dedans très jeune 😉) … et le regard que je porte sur ces relations particulières est lui aussi en évolution permanente. A mon sens, la construction d’une relation et l’utilisation du renforcement positif sont deux concepts totalement différents… le second peut enrichir le premier, mais ce n’est pas l’utilisation du renforcement positif qui permet de construire une relation de confiance !
J'ai appris et surtout, compris, qu'on peut se passer d'obéissance dans la relation avec son chien et qu'alors, c'est tout un autre monde qui se révèle: toute la finesse de son intelligence et de ses émotions nous permet d'apprendre à communiquer à un autre niveau, d'un cœur à l'autre.
Je précise qu'il n'est pas question de basculer dans la permissivité! Nos chiens ont tous absolument besoin d'être accompagnés et encadrés avec bienveillance, clarté et cohérence pour pouvoir s'épanouir dans nos familles et notre société!
Le renforcement positif est défini comme « une technique éducative et comportementale qui vise à augmenter la probabilité qu'un comportement se reproduise. Il consiste à ajouter un stimulus agréable (une récompense, une félicitation, etc.) immédiatement après ce comportement, afin qu'il devienne plus probable à l'avenir.
En d'autres termes, le renforcement positif est la méthode par laquelle un comportement est renforcé positivement grâce à une conséquence agréable qui l'accompagne. »
Son utilisation est donc tout à fait appropriée pour enseigner au chien des exercices (par exemple : assis, couché, disciplines canines, etc.) ainsi que pour l’aider à vivre sereinement des situations récurrentes (comme le brossage, les manipulations, etc.), grâce à l’association à une conséquence agréable.
Bien sûr, le fait d’utiliser cette "technique éducative et comportementale" est positif pour la relation. Mais ce n’est pas ce qui la construit.
C’est comme si j’apportais des pralines à mon cher et tendre chaque fois qu’il tond, et qu’il m’offrait des fleurs quand je fais la vaisselle ! Peut-être ces gestes-là, encouragent-ils certains comportements mais ils ne construisent pas une relation… Pardon pour les clichés 😊 mais ils donnent une idée claire du message je pense.
Ce qui tisse un lien, ce sont les petites attentions du quotidien, les gestes d’amour, le dialogue, l’ouverture envers l’autre, l’attention à ses émotions, les moments où on est vraiment présent l’un à l’autre (peu importe ce que l’on fait ensemble), etc. … Etre en relation, c'est découvrir l'autre, apprendre à le connaître, l'accepter et l'aimer exactement comme il est. C'est profiter ensemble des douceurs de la vie, et apprendre à gérer ensemble les défis qu'elle nous présente. Toujours dans le respect, l'écoute. Bref, il s’agit surtout d’apprendre à communiquer avec un cœur ouvert et le plus de justesse possible. Cela implique aussi bien sûr les malentendus, les dérapages, etc. Ainsi que d’accepter de se remettre en question.
C'est un processus de construction de tous les instants, qui demande honnêteté, flexibilité et générosité, envers soi comme envers l'autre.
Cet apprentissage-là demande une grande présence à soi et à l'autre et la conscience des messages qu'on émet.
Dans ce dialogue permanent, il y a l'acceptation de ses propres limites et de celles de l'autre. L'acceptation que peut-être, parce que chacun est qui il est, il faudra s'y prendre autrement, revoir nos objectifs, et s'adapter. Parce que c'est là que la magie opère. Quand la pression des attentes disparaît et qu'on suit simplement le rythme naturel des choses.
Après avoir vu une vidéo d’éducation canine sur YouTube, une autre personne me demandait aussi récemment comment faire pour que son chien la regarde. C'est relativement simple: si le chien est récompensé dès qu’il regarde son partenaire humain, ce comportement sera rapidement conditionné, et associé à un mot-clé. Le chien entend le mot, effectue le comportement et est récompensé. On peut de la même façon apprendre à un chien à « faire un bisou » (donner un coup de langue, donc) sur demande.
Ces exercices n’ont pourtant rien à voir avec ce qui se passe entre nos chiens et nous quand ils choisissent de nous regarder ou de nous faire un bisou, pour communiquer et exprimer quelque chose. Là, il est question de dialogue et de relation. Pas d’exécuter un exercice qu’on a appris.
Et pour moi, c’est là que se trouve toute la différence !
L’un n’exclut pas l’autre, mais il me semble important de remettre l’église au milieu du village, pour éviter toute confusion.
A mon sens, ce n’est pas grâce à des exercices (ni à des friandises ;-)) qu’on construit l’essence du lien, mais bien dans l’intimité du quotidien, à travers toutes les interactions et dans toutes les circonstances auxquelles nous sommes confrontés avec nos compagnons canins.
C'est dans l'espace que la relation que nous choisissons de cultiver les valeurs qui nous tiennent à cœur comme la confiance, le respect, l'écoute, l'observation, la patience, la flexibilité, la communication, la curiosité, l'imagination, l'adaptabilité, etc.
Apprendre à un chien à s’asseoir, pour le plaisir, c’est super ! Mais lui demander de répondre à la demande « assis » quand il est dépassé par ses émotions (excité, nerveux, apeuré…), c’est surtout louper une belle occasion de lui montrer que nous entendons sa difficulté, qu’il peut nous faire confiance, et que nous allons l’aider parce que nous donnons la priorité à notre relation… plutôt que d’attendre qu’il s’exécute comme un automate programmé.
Le renforcement positif a sa place, c’est certain. C’est la façon la plus respectueuse d’enseigner à nos chiens, des exercices qui peuvent faciliter le quotidien (quand ils sont utilisés à bon escient). Mais c’est grâce à un dialogue et une attention mutuelle qu’une relation se développe, pas grâce à des exercices ni à des renforcements.
C’est la construction du lien, personnel et unique, qui est au centre du travail d’accompagnement que je propose.
Mon objectif est de voir avec chacun comment il peut développer une façon d’être et une façon de vivre dans laquelle lui et son chien peuvent s’épanouir, selon qui ils sont. Le principal, c’est d’apprendre comment fonctionner ensemble de la façon la plus naturelle et fluide possible, dans le respect de chacun.