La friandise, cerise sur le gâteau

Cette semaine, je voudrais continuer sur ma lancée de mon dernier article, pour situer mon approche, dans un monde d’éducation canine souvent fort polarisé, où les chiens ne sont pas les seuls à être conditionnés …  et dans lequel ce n’est peut-être pas facile de s’y retrouver.

 

Même si c’est un peu caricaturé, soit on est toujours dans une vision très limitée du chien, qui chercherait à tout prix à dominer sa famille (il est donc impératif d’avoir le dessus, sous peine de représailles gravissimes!), soit on est dans le courant inverse des approches positives, où la friandise/le renforcement occupe une place centrale.

 

Je suis passée par ces deux polarités. J’ai adhéré à ces croyances concernant la dominance; puis des années plus tard, j’ai également travaillé avec mes élèves humains et canins, en utilisant le renforcement positif (pour tous!).

 

De façon globale, je pense que la tendance va vers les approches positives, et c’est une excellente chose évidemment! L’interdiction de matériel coercitif comme les colliers étrangleurs, électriques, et autres, l’indique certainement.

Mais je vois aussi les “dérives” des approches positives…

 

J’en ai choisi deux, que je voudrais développer, mais je réalise que ça fait beaucoup de lecture d’un coup, alors j’en aborderai une première ici. La seconde, ce sera pour la semaine prochaine!

 

Une des “dérives” des approches positives, selon laquelle j’ai fonctionné et enseigné d’ailleurs, met la friandise et le renforcement au centre du travail. Je me souviens avoir souvent entendu, et personnellement cru, qu’il n’était pas possible qu’un chien “obéisse” sans nourriture. Tout est donc basé sur le fait de “motiver” le chien pour qu’il fasse ce qu’on lui demande (même si cela demande beaucoup d'imagination, puisque la personne doit se rendre plus intéressante que tout le reste!)… parce que c’est bien là que se situe l’objectif. La recherche de résultat, dont 100% de la responsabilité repose sur le chien, même quand c'est travaillé de manière "positive". Après tout, il sait faire ce que je lui demande… alors il n’a qu’à s’exécuter! Comme s’il suffisait d’appuyer sur un bouton. C’est un peu le principe du conditionnement d’ailleurs… Si la majorité des gens s'accordent pour reconnaître que nos chiens sont de magnifiques êtres sensibles et intelligents, nous oublions aussi souvent d’honorer ces mêmes qualités…

 

Quelle fierté quand on peut dire “mon chien fait ce que je lui demande, quelles que soient les circonstances!”! Pourtant aujourd’hui, ma question est, pour certains, “à quel prix?”...

 

Peut-être mon chien était-il mal à l’aise dans une situation donnée, mais qu’il s’est retrouvé coincé entre deux choix difficiles:

  • soit faire ce qu’on lui demande pour satisfaire son partenaire humain, tant pis pour ses propres émotions;
  • soit rester en accord avec ce qu’il est en mesure de gérer et désobéir… en risquant une réaction désapprobatrice de la part de son humain.

Un exemple pratique… Combien de fois n’ai-je pas proposé comme exercice à mes élèves, de travailler le “reste en place”, avec les chiens très proches les uns des autres… A l’époque, je ne savais pas ce que je sais aujourd’hui. Et l’objectif était de demander aux chiens d’en faire toujours plus… sans même percevoir les signaux d’inconfort qui n’ont sans doute pourtant pas manqué chez certains.

 

Aujourd’hui, je ne demanderais plus une telle chose: je serais attentive à la distance dont chacun a besoin pour se sentir bien et détendu, même si cela veut dire une dizaine de mètres ou plus, et même si ça donne de moins jolies photos ;-).

 

Je serais à l’écoute des signaux d’apaisement…

 

D’ailleurs, j’ai simplement arrêté les cours collectifs, justement pour pouvoir écouter chaque individu (humain comme canin) et l'accompagner tout en le laissant suivre son propre rythme.

 

Dans l’approche que je propose aujourd’hui, ce qui compte le plus, c’est de respecter ce qui est possible et acceptable pour chacun, au fur et à mesure de son évolution. Si mon chien a du mal à en côtoyer d’autres, je ne le lui imposerai pas (tant pis si mon intention était de participer à des compétitions d’agility!). Et quand nous n’avons pas le choix, je resterai à l’écoute de mon compagnon pour veiller à son bien-être: soit nous garderons nos distances, soit nous trouverons une autre stratégie pour ne pas nous mettre volontairement en difficulté. Parce que mon chien se sait entendu et respecté, il se détend. Moi aussi. Du coup, notre confiance mutuelle s’épanouit, et de nouvelles possibilités s’ouvrent à nous… Ma priorité, c’est la relation de confiance, plutôt que le nombre d’activités ou les performances. Et le bien–être de mon chien n’est pas la seule chose importante, le mien l’est tout autant!

 

Est-ce que j’utilise des friandises? Oui, parfois. Souvent. Ou pas.  Selon les situations, ou mes envies, ou les envies du chien.

C’est variable, parce que c’est accessoire, secondaire, et que ça prend une autre valeur. Donner une friandise à mes louloutes, c’est un simple cadeau. Parfois, je donne une friandise pour renforcer l' expression de ma satisfaction, mais la "gougouille" n’est que la cerise sur le gâteau. Le chien comprend tout de suite l'authenticité d'un regard ou d'un sourire!  Je parle bien ici d'authenticité.  Pas d'une expression faussée ou exagérée. 

Mon propos n’est pas du tout de vouloir supprimer les friandises (ou supprimer un renforcement). En donner fait plaisir, tant à la personne qu’au chien. Ma réflexion se situe plutôt dans la façon de les utiliser, dans le rôle qu’elles jouent et la place qu’elles prennent. Quand on ne peut pas s’en passer, quelque chose n’est plus juste…

 

C’est la communication qui permet de construire un lien coeur à coeur, pas les conditionnements.

D'autant plus que le conditionnement est présent tant chez la personne que chez le chien.  L'un et l'autre se retrouvent souvent coincés... la personne n'ose pas se "détacher" de l'utilisation des friandises sous peine de perdre les résultats obtenus; et le chien finit par ne plus "obéir" que s'il est sûr de recevoir son bonbon.

Et pour cause!  Souvent, ces conditionnements sont mis en place (avec les meilleures intentions du monde, sans aucun doute), dès le plus jeune âge du chiot. Du coup, toute la relation se construit selon ce modèle-là, et tout est perçu à travers ce filtre de devoir à tout prix "être plus intéressant que l'environnement". 

Heureusement, dès que nous avons pris conscience du schéma installé, nous pouvons choisir de fonctionner et communiquer autrement!  Nos chiens n'attendent que ça, d'ailleurs... un contact coeur à coeur, sans pression.  C'est un changement d'approche qui se transforme en chemin d'apprentissage, de découverte de soi, de l'autre et du nouveau lien qui se crée.  Et c'est accessible à tous, quel que soit l'âge du chien! Quand j'ai démarré cette aventure, nos louloutes avaient entre 6 mois et 12 ans.

 

Je terminerai en ajoutant que les conditionnements ne sont pas plus négatifs, en soi, que les friandises.  Ils ont leur place, par exemple dans des contextes précis comme les sports canins, ou certaines situations du quotidien. 

Un peu comme nous pouvons apprendre des compétences particulières, par exemple pour faire un sport ou jouer d'un instrument.  En dehors des contextes précis liés à ces compétences, nous communiquons façon naturelle...

 

Apprendre à communiquer avec son chien, c’est l’écouter de plus en plus attentivement, et s’exprimer avec de plus en plus de clarté et de justesse. C’est un processus en constante évolution, pour chaque partenaire, où nous découvrons aussi comment guider notre compagnon et prendre les bonnes décisions pour son épanouissement ainsi que celui de notre lien.

 

Suite… la semaine prochaine!

 

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